Interview : Paul Bartel et Solène Rigot
C'est dans un café parisien que je fais la rencontre de Solène Rigot et Paul Bartel, les interprètes du film "les révoltés".
Ils ont accepté de répondre aux questions du blog dans une atmosphère conviviale et détendue, nous prouvant que cette jeune génération d'acteurs ne manque ni de punch ni de talent. Merci pour leur gentillesse et leur disponibilité.
Qu'est-ce qui vous a attiré dans le projet de Simon Leclerc ?
Solène Rigot L'histoire, en premier lieu, car je pense que c'est le plus intéressant, c'est le premier sentiment que tu as en lisant le scénario, être touché par l'histoire, rentrer dedans et vouloir en faire partie. Et c'était beau, tout filait bien.
Le film a une atmosphère assez noire, il n'y a pas beaucoup de scènes pour désamorcer la tension, ça a été difficile le tournage ?
Paul Bartel C'était très dur, les conditions, arriver dans une usine, on sait pas ce que c'est par exemple. Les scènes sont plus dans le drame que dans la comédie. Donc c'est très dur à jouer, il y a beaucoup de mise à nu que ce soit physique (ou morale), qu'on a fait avec Solène. C'est surtout elle qui a eu des scènes pas faciles à faire au niveau de la nudité, vraiment très dures, que j'aurais pas pu faire, par exemple. C'est beau mais c'est très dur à faire.
Justement le fait de travailler dans une usine, c'est quelque chose que tu ne connaissais pas ?
P.B. Non, je ne connaissais pas du tout et ça m'intéressait de voir comment ça pouvait être. Je pensais que c'était beaucoup plus péjoratif, dans le sens (un peu cliché) "tu vas à l'usine" et finalement, c'est très dur, c'est clair, mais ça reste un taf comme les autres avec des moyens de travailler plutôt bien, des machines récentes, un cadre...(Se tournant vers Solène) Enfin tu vois ce que je veux dire ?
S.R. Oui.
P.B. C'est pas l'usine comme on en parle. Tu ne vas pas taper sur des cailloux pour un chemin de fer.
Le réalisateur vous-a-t-il donné des directives pour vos personnages ou il vous a laissé improviser ?
S.R. On n'a pas eu d'impro, il savait ce qu'il voulait par rapport au texte et il souhaitait qu'on le respecte. Du coup, ça avait un côté rassurant, on savait qu'on était entre de bonnes mains. Simon (le réalisateur) voulait son truc, il était très clair là-dessus, et c'est hyper rassurant quand tu es comédien. Après, oui, il nous a choisi pour nos personnalités, pour ce que l'on pouvait dégager par rapport à ça, ce que l'on pouvait rajouter en plus du texte, comment on pouvait l'interpréter comme il voulait.
Le réalisateur évoque vos tempéraments bien opposés. Est-ce qu'il a été compliqué de s'accorder ou est-ce que ça s'est fait tout de suite ?
P.B. Non, non, ça a été très naturel!
S.R. Les contraires s'attirent! (Rires)
Par rapport à ça, il n'y a pas eu besoin de plus de répétitions pour la mise en phase des personnages ?
S.R. Non, on a fait une lecture pour se connaitre avant le début du tournage.
P.B. Il n'y a pas eu une préparation spéciale. C'était une préparation normale. Bon, c'est sûr, qu'il y aurait très bien pu ne pas avoir de feeling, mais on l'a eu, et c'était beau, on s'est marré, on s'est beaucoup marré (Se tournant vers Solène) C'est vrai non ?
S.R. Oui c'est vrai!
P.B. On s'est beaucoup, beaucoup marré, on a eu des super journées de tournage, il n'y a pas eu un seul problème, une seule engueulade, tout filait droit.
Ce que l'on voit en tant que drame, pour le tournage c'est souvent plus drôle que celui d'une comédie.
S.R. Surtout, c'est que c'est l'ambiance du tournage qui était aussi sympa, avec l'équipe qui était assez incroyable. Ca fait passer aussi toutes les scènes qui sont dures à interpréter, dures à jouer parce que ça invoque quelque chose de fort que l'on doit sortir.
Justement dans les scènes intenses, il y a celle où Anja se fait humilier par Antoine. Celle-là était la plus dure du film ?
P.B. (Spontanément) Oh oui, incontestablement! Moi, d'un point de vue extérieur, j'étais pas sur le truc (Se tournant vers Solène) Après je te laisse parler, excuse-moi.
Le réalisateur ne m'avait pas interdit de venir mais même moi, psychologiquement, je ne pouvais pas. J'avais tellement mal pour elle dans le sens, où je me suis dit "Mais comment elle va faire" parce que c'est quand même très dur à jouer ça, de se mettre à nu et de se montrer, surtout comme ça. Ca c'est très difficile. Je pense que c'est la scène la plus chaude du film en terme de jeu, vraiment.
S.R. C'est la tienne, à la fin qui est vraiment...
P.B. Ca n'a rien à voir...
S.R. ... Oui, c'est plus physique, mécanique...
P.B. (S'adressant à moi) Oui mais là, vous l'avez vu le film ?
La musique de film : Oui.
P.B. C'est vraiment un sacré truc, la fille est nue contre un arbre : il faut le faire, quand même.
S.R. Il n'y a pas que ça après.
P.B. Non, mais ça a fait partie des trucs qui n'étaient pas faciles à faire.
S.R. C'est dans la continuité, en vue de la fin du film, où il y a vraiment une plongée dans la noirceur, où tu as l'impression que tu ne vas jamais pouvoir sortir de cette espèce d'empêtrement de choses.
P.B. C'est improbable d'ailleurs comme scène. C'est improbable de se dire, "Tiens il va te mettre contre un mur, il va t'humilier, il va te mettre nue " (Ndlr : Le personnage d'Antoine s'en va ensuite) . C'est très très improbable. Personnellement, grand respect, car je n'aurais pas accepté de le faire pour la simple et bonne raison qu'être regardé... Une équipe c'est beaucoup de personnes, on avait une bonne équipe qui était là et en terme de préparation psychologique, la veille... On a une scène d'amour tous les deux, j'en ai déjà fait pas mal, mais la veille, j'étais en panique totale, j'appréhendais comment ça allait se passer. (Se tournant vers Solène) Je ne sais pas si tu te rappelles, on l'était un peu tous les deux, et finalement, ça a duré quoi, 10mn, 15 mn à tout casser.
S.R. Oui, et puis ça reste un truc filmé, c'est pas ta vie.
P.B. Je crois qu'on a pas trop réfléchi, en fait sur ces scènes là, si tu commences à réfléchir, franchement...
S.R. ... Non, il ne faut pas réfléchir et mine de rien faut pas se mettre trop de stress. Avoir trop peur de celle-là, ça veut dire qu'on accorde trop d'importance à celle-là parce que finalement, c'est des fois plus facile que sur des scènes de jeu qui paraissent plus atteignables parce que tu as moins d'efforts physiques ou de gêne, mais où tu dois balancer tellement de choses qu'au final, ça devient plus difficile.
Ca fait quoi d'être les deux héros du film? Car ils semblent tous un peu malhonnêtes, ils ont tous quelque chose à cacher...
S.R. On a tous nos défauts aussi dans le film.
P.B. Je rejoins assez Solène parce que je suis un peu dans une espèce de rébellion, qui d'ailleurs n'est pas justifiée quand on y réfléchit bien, parce qu'il s'agit seulement d'un poste de travail, donc c'est clair que c'est assez improbable aussi qu'un mec de 20 ans se batte, soit syndicaliste.
S.R. Oui, mais ça montre bien cette espèce de folie adolescente que tu peux avoir.
P.B. Est-ce que vous voyez un mec sur les Champs-Elysées avec une casquette rouge syndicaliste ? Enfin, tu vois, c'est improbable. Mais comme dit Solène, on a tous nos défauts dans le film. Moi je pense que, pour en avoir parlé avec Simon, je suis dans une espèce de crise de pré-adulte dans le sens où je suis partagé , parce que déjà je suis très amoureux d'Anja, dans le film. En même temps, je me bats pour mon taf, j'ai des relations hyper conflictuelles avec mon père. Elle, c'est pareil.
S.R. Oui, j'en ai avec mon père et en même temps, je suis coincée entre ces deux mondes et mes défauts c'est d'être perdue, de vouloir un peu tout faire et de se retourner.
P.B. On voit surtout que ces deux jeunes sont pas comme les autres. La mentalité d'Anja par exemple : c'est pas une fille comme tout le monde. Les deux personnages sont très réservés, très fermés, et on a vraiment l'impression qu'ils s'ouvrent l'un avec l'autre. Lorsqu'ils sont ensemble, ils sont hyper ouverts. Lorsque j'ai vu les scènes avec son père, c'est pas du tout la même Anja que je vois avec moi. C'est très bizarre à expliquer. Je pense que Gilles (Ndlr : Masson) y contribue aussi.
Justement, il y a une scène très forte avec Gilles Masson, est-ce que ça a été très dur ?
P.B. Ca a été très dur, oui, bien sûr, forcément, parce que comme pour des scènes d'amour ce sont des scènes qui demandent beaucoup de patience finalement. Ca, c'est une scène de noyade que j'ai faite. Moi j'appréhendais, pas le fait qu'il me noie, mais je n'avais jamais vraiment joué avec lui. C'était une des premières fois que je jouais avec Gilles, je n'ai pas beaucoup de scènes avec lui, je dois en avoir 5. c'était très dur parce que, la noyade c'était facile, on crie, on se débat, on a la tête sous l'eau, mais c'était plus la tension qu'il fallait y mettre. Il m'a aidé d'une force surhumaine. C'est un acteur de théâtre, il est très théâtral dans ce qu'il fait. Il a un jeu tellement puissant que je pense que si l'on a réussi cette scène, c'est en partie grâce à lui, parce qu'il a donné énormément. Finalement, je suis juste une victime donc le boulot c'est lui qui le fait. Disons que j'ai beaucoup appréhendé pour pas grand-chose.
Dans la bande-son on entend des titres de Mr Crock (Ndlr : Le groupe dont Solène fait partie) , est-ce le réalisateur qui a souhaité mettre de nouveaux titres ?
S.R. Non, en fait, je lui avais parlé du groupe et il avait écouté les chansons, il avait bien aimé, d'où les musiques dans le film et je trouve ça super chouette. Que l'on puisse entendre des musiques dans le film, je trouve ça bien. Ca ajoute un autre côté de ma vie, c'est étrange, du coup ça devient très personnel comme film, c'est agréable.
Y-a-t-il un nouvel album de prévu avec Mr Crock ?
S.R. Oui, nous avons sorti le troisième "EP", fin Mai, qui s'appelle "Exotic Pilgrimage" avec cinq chansons et un interlude. On est très content, ça a un peu changé, ça a encore évolué, je pense que l'on encore un peu muri dans la musique, avec cet "EP" là et voilà, l'aventure continue, la musique aussi.
Quel est votre meilleur souvenir de tournage sur ce film ?
P.B. La scène de fin, avec Gilles, et, pour être très honnête, la scène d'amour aussi. Je trouve que ce sont les deux scènes les plus fortes du film. Elle est quand même monstrueuse cette scène, ça démarre très mal parce qu'Anja a très très peur quand même. La scène de la baffe qui est juste, elle est magnifique cette scène, vous voyez il y a une espèce de ...
S.R. ... De tension qui explose
P.B. Oui, c'est comme si ça relâchait tout d'un coup. Ca part d'une bagarre à un élan, on ne s'était jamais touché, et là c'est vraiment le moment, depuis des années, où on franchit le cap, c'est fort quoi.
Après ça, quels sont vos projets respectifs ?
S.R. Je vais tourner dans le prochain film d'Arnaud Des Pallières (Ndlr : Orpheline) avec Adèle Haenel et Adèle Exarchopoulos qui sont très cools, le scénario est très chouette. Et je vais tourner un film Belge qui se tournera aux Canaries, l'année prochaine, avec quelqu'un qui s'appelle Maxime Pasque. C'est une espèce de road trip assez barré qui est vraiment chouette. Je viens aussi de finir un court- métrage qui s'appelle "Les filles d'Alice Douard", qui j'espère va avoir une longue vie dans les festivals et ce sera l'occasion pour des gens de le voir, j'ai composé d'ailleurs une partie de la bande originale.
P:.B. J'ai le film d'Isild Le Besco (Ndlr : La belle Occasion) qui sort et je viens de finir un film d'Edouard Pluvieux qui s'appelle "Amis publics n°1", un film très populaire.
Et l'aventure continue et la musique aussi !