Avez-vous eu des difficultés pour le financement ?
Sepideh Farsi: Non, pas vraiment. Le budget c'est toujours difficile, quand on fait une première demande de financement, c'est une question de production. On a obtenu assez rapidement - en fait au premier dépôt - une réponse positive. Après, il y a eu un moment où c'était plus long, pour les financements supplémentaires, il a fallu attendre. Là, on était assez pressé, comme tous les réalisateurs. Avec Javad (Djavahery, NDLR) qui a écrit le scenario, il y avait une échéance historique à mon sens, à respecter. On sentait qu'on était déjà un peu trop tard, mais qu'il ne fallait pas tarder davantage en tout cas. On a donc décidé (et les producteurs m'ont suivi) de faire avec ce que l'on avait et que ça devrait suffire.
Le choix du lieu unique et des images d'archives n'est pas venu d'un problème de financement ou pour des raisons financières. Ce sont des choix esthétiques et des partis pris que j'avais dès le départ. On le savait déjà quand Javad a présenté le projet : une histoire d'amour entre deux générations, dans un huis clos, sur fond de révolte. Et très vite, j'ai pensé « Je ne veux pas reconstituer les événements, je veux des images d'archives ».Ces choix se sont faits très rapidement, pour des raisons de véracité de fond.
Il y a un passage dans le film où un personnage est blessé. On part d'une image d'archive, sur le téléphone portable, et il y a une avancée des choses, on a l'impression de passer à une image de portable qui n'est plus réelle, et on arrive aux images dans l'appartement. Le montage est très bien fait, fluide, cela donne un tout très cohérent. Le montage a-t-il été plus difficile que d'habitude?
S.F : Non, les associations sont venues de façon naturelle, je travaille depuis longtemps avec une super monteuse Bonita Papastathi, on travaille les détails bien sûr, c'est l'artisanat du montage, du cinéma, de travailler ou d'aider l'image avec le son. Mais il y a quelques extraits d'images d'archives qui ont été choisis dès le départ, avant même que le scénario soit terminé, il y en avait déjà dans la maquette que j'ai montrée aux producteurs à ce moment là, avec la main ensanglantée qui en faisait partie. Je pense que c'est un homme qui court, c'est du vrai sang. La respiration essoufflée de la personne qui court, c'est vraiment le son réel de cette vidéo. Evidemment, on a retravaillé le son pour le nettoyer, mais j'ai tenu à ne pas sonoriser ces moments et à garder les vrais sons en les améliorant, et je pense que c'est cela qui rend ces moments très forts aussi.
Donc, il s'agit d'abord des images et en suite l'histoire d'amour qui se greffe dessus?
S.F : Comme beaucoup d'iraniens établis à l'étranger, on était impliqué, on suivait les événements avec énormément de crainte, et d'excitation. Très vite j'ai commencé à télécharger des moments vidéo de youtube qui me marquaient, qui étaient forts. L'histoire du film est venue comme cela, Javad qui est l'auteur du scenario a proposé ça. C'était une histoire d'amour entre deux personnes appartenant à deux générations différentes, sur fond de révolte,dans un huis clos. Après, j'ai très vite su quelles étaient les images que je voulais utiliser et à quel moment du film. Ensuite, il y a eu quelques nouvelles vidéos mais 80% des vidéos étaient déjà choisies.
Le film a été nominé à maintes reprises dans différentes manifestations, festivals...Est-ce que cela a permis d'ouvrir plus de portes?
S.F : Je pense que oui, lorsque le film est diffusé dans un festival important, d'autres sélectionneurs le voient et ça s'enchaîne. L'autre intérêt, c'est que le film soit vu par un public différent, d'un autre pays. Ce qui est intéressant, c'est la réaction des personnes de cultures différentes à ce même film. Ils ne voient pas la même chose. Quand le film a été diffusé en Pologne par exemple, c'est surtout l'expérience politique qui les a interpellé. Au Canada à Toronto, Ce sont surtout les iraniens qui ont réagi. A Chicago, c'était également l'expérience politique qui revenait dans les questions. Là-bas, nous avions un public très mixte, c'était fascinant de découvrir ainsi d'autres aspects du film.
A Mina : Avez vous réfléchi longtemps avant d'accepter ce rôle, sachant que cela impliquait plus ou moins une interdiction de retour en Iran?
Mina Kavani : Un an. J'avais vraiment envie (de ce rôle, NDLR ) dès le début. j'avais une amie qui m'avait parlé de ce projet, j'ai dit oui, tout de suite. un oui absolu. J'ai d'abord dit oui rapidement, mais petit à petit, quand j'ai commencé à voir ce qu'il y avait dedans, ce qui allait se passer, c'était au delà d'une décision. Quand je suis arrivée en France, je savais tôt ou tard que j'aurais une décision à prendre. Tu le sais en tant qu'iranienne, et j'imagines, comme pour beaucoup de pays islamiques, une fois que tu décides d'être une actrice internationale, tu décides de dire non à beaucoup de choses dans ton pays. Lorsque j'ai décidé de venir en France pour passer le concours du conservatoire, je voulais vraiment faire carrière ici. Mais je ne savais pas que cela devait commencer avec un film de cette envergure.
S.F: C'était le grand saut! (rires)
Par rapport aux scènes de nu, est ce que ça a été difficile pour vous?
M.K : Oui, ça a été difficile. J'ai négocié avec Sepideh, mais je comprends que ces scènes servent l'histoire.
Et les rapports avec l'acteur, Vassilis Koukalani , ont ils été naturels ou alors a-t-il fallu vous "apprivoiser" mutuellement?
M.K : Dès qu'on s'est vu avec Vassilis, il y a eu une relation très frère/soeur, ce qui a facilité les choses. s'il y avait eu un côté séduction, attraction, cela aurait été plus difficile.
S. F (S'adressant à Mina): Effectivement cela aurait été plus difficile. Là vous étiez vraiment complices.
M.K : Nous étions très à l'aise ensemble, Vassilis m'a beaucoup aidée. On travaillait jour et nuit ensemble, évidemment il y avait des moments un peu difficiles, mais Vassili, je l'adore comme un frère.
En tout les cas le couple est très beau dans le film, mais effectivement on sent beaucoup de tension. Et au niveau du tournage en général, sans parler des scènes de nu, y a t il eu une grande tension?
S.F : Il n'y a pas de tournage qui ne soit pas tendu. Nous encore plus, 30 jours à tourner en continu, jour et nuit, une vingtaine de personnes dans un appartement, imaginez!!! Il faut que ça marche en plus, il faut rendre des moments forts, de jour comme de nuit... Donc c'est normal, il y a des moments de tension, mais il faut savoir aussi les utiliser.
A propos de la musique, comment avez vous choisi le compositeur Ibrahim Maalouf ?
S.F : J'ai connu sa musique par l'intermédiaire d'un ami commun libanais. c'était fort pour moi car j'adore la trompette et le jazz.Il y a le côté sensuel, et I.M. a sa touche personnelle qui va un peu vers les consonances orientales, ce qui m'importait, c'était vraiment sa marque personnelle. C'est cette combinaison entre l'aspect un peu jazzy, un peu oriental et expérimental qui m'intéressait. Notamment dans la scène de drogue...
... Justement pour ce moment fort du film, avez-vous donné des directives ou est ce que le compositeur a proposé de lui même un morceau ?
S. F : J'avais fait un montage de deux séquences avant de le décider. il n'était pas réticent mais disait qu'il n'avait pas le temps. Ca a traîné plusieurs mois comme ça. Donc j'ai pris la musique que j'ai mis moi même sur les deux séquences fortes : la scène de drogue et la scène de la danse. Je lui ai envoyé par mail, une demi-heure après je recevais la réponse : c'était d'accord. Je lui ai donc demandé pour ces moments d'être très proche de ce que j'avais utilisé, de ses propres compositions, en fait. C'est compliqué de demander à un compositeur de refaire quelque chose même si c'est sa propre oeuvre. c'est frustrant. Nous sommes restés très proches de ce que j'avais monté, mais nous sommes restés un moment avant de tomber d'accord sur ce que vous entendez dans le film.
(A sepideh et Mina) : est ce vous avez un projet futur pour tourner bientôt de nouveau ensemble ?
S.F : Tout de suite, non, on n'a pas de projet commun. l'envie est là, mais j'ai déjà un projet où les personnages sont différents (...), et ne correspondent ni à Mina ni à Vassilis. Mais l'envie est là pour un futur projet.
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Ibrahim Maalouf sur "Red Rose" - La musique de film
Dans chaque score d'Ibrahim Maalouf, il y a un titre beaucoup plus puissant que les autres, il y a "Défilé 1962" dans "Yves Saint Laurent, il y a "La crème de la crème" dans le film du même no...
http://www.lamusiquedefilm.net/2015/09/ibrahim-maalouf-sur-red-rose.html