Interview: Benjamin Rando
Benjamin Rando est le compositeur du dernier film de Jérome Polidor "Merci les jeunes !" . Il a composé une musique très jazzie avec de très beaux thèmes ainsi que des thèmes rythmés et intenses. Il a très gentiment accepté de me rencontrer pour évoquer sa carrière et parler de la création de la bande originale.
Le label label G-SOUND vous a commandé 3 albums de musiques à l'image pouvez vous nous parler de cette collaboration?
Benjamin Rando : Oui, belle collaboration notamment avec Loic Gayot le producteur, ces musiques n'étaient destinées directement à l'image, elles rentrent d'abord dans un catalogue et ensuite les réalisateurs et auteurs vont piocher dans ce catalogue pour synchroniser la musique avec leurs images. Cela se fait à postériori. C'est toujours difficile pour le compositeur quand il ne sait pas pour quoi il écrit, c'est toujours de la musique dans un style donné, mais sans savoir où va sa musique. Mais c'était une bonne expérience car il y avait des moyens pour enregistrer des musiciens, avec ma musique mais aussi avec des contraintes d'exercice de style. Les trois musiques étaient dans des styles très différents, le premier était plus un quatuor à cordes, le second un trio Jazz + quatuor à cordes, et un dernier qui était bossa nova avec des chanteuses.
Et les morceaux sur le blog, suspens, romance... en font partie?
B.R : Oui tout-à-fait.
Ensuite, vous avez composé pour 4 courts métrages, dont 3 projets d'Happy Collectif?
B.R : 6, en fait je crois.
Et pas mal de récompenses d'après ce que j'ai vu?
B.R : Oui, c'est un super collectif qui fait ça depuis plusieurs années, ils travaillent très vite, on a participé aux 48h film project : c'est un concours qui se passe dans toutes les capitales du monde, tous les ans, et on a 48h pour réaliser un court métrage tout compris, scénario, tournage et montage. On a les sujets le vendredi soir, et le dimanche soir il faut rendre le devoir! Donc ça, c'était génial, j'étais dans le sud de la France, on a travaillé par téléphone, c'est un challenge à chaque fois de respecter les données, car généralement le compositeur intervient à la fin de la production, quand c'est comme ça je commence à travailler le dimanche matin ou le dimanche midi! On a eu aussi une récompense au Festival d'Alpes D'huez...
La diversité de vos projets vous permet un vaste champs de possibilités. Sur quels critères choisissez vous ces projets justement ?
B.R : C'est avant tout [] relationnel, je travaille avec des amis, et puis les amis des amis... Le réseau s'agrandit comme ça. J'ai un bon groupe de musiciens autour de moi avec qui on monte des projets différents tous les ans, depuis une dizaine d'années maintenant, cela commence à se pérenniser.
Comment s'est passé la rencontre avec Jérôme Polidor ?
B.R : C'est intéressant cette rencontre, on s'est rencontré à Ouagadougou, au Burkina Faso, lors d'un festival Jeunes Publics pour lequel je jouais avec ma compagne. Il était dans l'organisation, il a pas mal d'expérience au Burkina, il a fait un film là bas qui s'appelle "Noir coton" qui était super, un documentaire. On s'est donc rencontré à l'occasion de ce festival on a passé 3 semaines ensemble, il avait déjà ce film en projet. De retour en France, je lui ai dit "J'écris ta musique, n'hésite pas à me contacter". J'écris de la musique, n'hésite pas à me contacter". Après ça a pris du temps, plusieurs années, 4 ans se sont écoulés entre la rencontre et la sortie du film !. Déjà il avait son projet de fait. Donc le processus a été assez long.
Le réalisateur vous a-t-il donné des directives précises ou bien vous a-t- laissé toute liberté pour composer ?
B.R : Il avait quand même des idées en tête, des choses assez précises, son film était basé sur plusieurs personnages forts. Il voulait au moins un thème par personnage principal. C'était son idée et je pense qu'elle était bonne. Après, sur le style, on a convenu ensemble qu'il ne fallait pas trop entrer dans les clichés de films sur la banlieue. C'est pour ça qu'il n'a pas fait appel à un groupe de rap ou autre groupe moderne.
C'est justement ce qui permet au film de sortir des sentiers battus, ce qui m'a intéressé dans ce film.
B.R : C'est l'effet recherché, donc c'est réussi en ce sens !
Le titre "Générique" évoque les années 70, d'où est venue l'inspiration pour ce titre?
B.R : Ca venait d'une suggestion de Jerôme à finir le film d'une façon énergique et joyeuse, on a pas mal de climats un peu « dark » et il voulait finir sur une touche joyeuse, et moi j'ai un peu d'expérience d'écriture en big bang puisque j'ai eu ma formation au conservatoire, et j'ai eu l'occasion d'en faire quelquefois. Du coup je me suis dit pourquoi pas, faire un big bang, dans un esprit un peu funk, donc oui, il y a des influences années 70 indéniables !
Dès le générique, la musique prend une place importante et elle donne l’ambiance du film qui est assez forte, comment s'est passée la construction du morceau?
B.R : Ca a été difficile, car justement il m'a proposé un générique qui était déjà très structuré, et qui se passait dans deux univers différents. Donc dès le générique, il y a d'une part les images de la banlieue qui sont des images d'archives, et d'autres pas, comme la scène d'un préfet que l'on voit discuter, et donc il y avait de la parole, c'était déjà très contrasté et il a fallu jouer avec ça. Moi j'avais dans l'idée de commencer par faire quelque chose d'assez linéaire, et effacé pour que l'image tranche à elle seule. Jerôme n'a pas été d'accord avec cette idée, il voulait également marquer le contraste jusque dans la musique. Pour moi ca a été un vrai exercice, car il y avait des calages très précis à respecter, et il fallait garder une unité dans ce morceau avec deux climats complètement différents.
Est ce que le réalisateur a imposé un style pour les excellents thèmes de Leila et Nadia ?
B.R : On n'a pas parlé d'esthétique avec Jerôme, qui a par ailleurs une grande culture musicale, il est très moderne et il écoute des choses très pointues. Il m'a juste parlé des traits de caractère des personnages, il connaissait précisément le « background » de ses personnages. j'ai tiré le fil de ça, et j'ai construit la musique là-dessus.
J'aime beaucoup celui de Leila qui est dans la bande annonce, et qui fait beaucoup penser à Paris avec l'accordéon. Très beau thème.
Est ce que la B.O. sortira ?
B.R : On va sûrement mettre un ou deux titres à l'écoute, on va voir. On va voir si le film est racheté par une chaine de télé, cela dépendra de ça aussi.
"Merci les jeunes", est ce que ça vous a donné envie d'aller plus loin dans la musique de film ?
B.R : Oui complètement, c'est un aspect qui me plait beaucoup dans ce métier. c'était mon premier long métrage, j'ai envie d'aller plus loin. Je n'en fais pas ma priorité car avant tout j'aime être sur scène, mais l'écriture est quelque chose qui me passionne, comme le son à l'image; Même si c'est un exercice périlleux car on n'est pas seul décideur, on est au service du réalisateur.
Est ce que vous allez continuer votre collaboration avec Jérôme Polidor ? Y a t il de nouveaux projets ?
B.R : S'il y a des projets je ne suis pas au courant, mais s'il me propose quelque chose ce sera avec plaisir évidemment !
Et vos projets à vous?
B.R : J'ai coécrit l'album d'une chanteuse franco-anglaise qui s'appelle Anna Farrow, par le label Denova aussi, qui va sortir en Janvier, suivi d'une tournée en France et en Chine.
Pays dans lequel vous êtes déjà allé je crois ?
B.R. : Oui en tournée, avec plein de projets différents, j'aime beaucoup ce pays.