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Publié par Patrick

Pablo Pico est le compositeur de la bande originale "Adama" qui est un savant mélange des sonorités Africaines et philharmoniques. C'est un véritable régal musical qui nous permet de nous évader. Ce film est le second long-Métrage du compositeur puisqu'avant, il y a eu le documentaire "Out of Eden"de Severine Pinkasfeld. J'ai eu la grande chance de l'interviewer et de découvrir un amoureux de la musique disponible et chaleureux. 

Qu'est-ce qui vous a donné envie de composer de la musique de film ?

Pablo Pico : D'abord il y a l'amour de la musique, le plaisir de jouer ensemble. Puis très vite je me suis aperçu que c'était encore plus passionnant de composer pour une histoire et de collaborer avec des non-musiciens. Ca passe aussi par le théâtre, par la danse. Il y avait toujours cette passion du cinéma mais je pensais que c'était inaccessible pour moi, trop éloigné. J'ai constaté par la suite que c'était possible, j'ai donc commencé sur des films d'étudiants et j'ai rencontré des réalisateurs qui ont rendu la chose possible. C'est maintenant devenu une manière de composer de la musique, d'en être le créateur en gardant toujours le plaisir de la rencontre, de l'aventure collective, d'être dans une énergie collective qui va fabriquer au bout du compte, un film, une histoire. 

Avant le documentaire "Out of Eden ", vous avez fait beaucoup de courts métrages, dont "Dripped" qui a été récompensé au festival Soundtrack Cologne. Pouvez-vous nous parler de cette musique très jazzie ?

P.P : "Dripped" a été un court métrage très important pour moi. Le film a eu une très belle carrière à tel point qu'il était dans la shortlist des Oscars et ça m'a donné pas mal de visibilité. Le réalisateur, Léo Verrier, m'avait laissé carte blanche et je me suis beaucoup amusé. Le film était déjà très référencé : il se passe à New-York, dans les années 50, et la musique devait s'accorder à l'ambiance « film noir ». Comme le film est muet, il fallait aussi qu'il y ait une certaine tension narrative avec la musique. Je me suis vraiment éclaté, j'ai notamment enregistré avec deux excellents musiciens de jazz. 

La méthode de travail est-elle différente pour un film d'animation ou une fiction ?

P.P : Du point de vue de la création, on ne se pose pas la question, j'aborde les deux de la même manière, il n'existe pas une musique de fiction et une musique d'animation. En revanche la méthode change dans le sens où un film d'animation va se construire sur une durée plus longue, on peut travailler très en amont sur ce qu'on appelle une animatique (story board filmé). On y voit déjà les mouvements de caméra, les personnages commencent à être animés et ça donne une première idée du film qui va prendre chair au fur et à mesure. Si l'on veut créer une osmose entre la musique et le film et si c'est possible — si l'on a rencontré les réalisateurs, les producteurs en amont — on peut avoir une approche sur la durée. En fiction, c'est différent, la durée peut être très longue aussi mais ce sera la durée du montage. Il est rare que l'on ait besoin de la musique avant le montage, ça peut arriver mais dans ce cas là, c'est vraiment une demande spécifique du réalisateur. Sergio Léone fonctionnait comme ça avec Ennio Morricone, Benoit Jacquot a fait ça sur son film "Au fond des bois" où il a demandé à Bruno Coulais d'écrire un concerto pour violon avant le tournage. Ensuite ce morceau a été utilisé dans le montage pour fabriquer le film. C'est quelque chose que j'aimerais beaucoup faire car je trouve que c'est une manière d'impacter le film dès le départ, comme un scénariste : créer à partir de rien. En tout cas, il n'y a pas de barrière artistique entre animation et fiction, c'est la même chose, c'est du cinéma. Enfin, moi, j'essaie de penser tout le temps en terme de cinéma. 

Quels sont les compositeurs qui vous ont influencé ?

P.P : Il y a des compositeurs formidables de musique de film mais je n'ai pas commencé par écouter de la musique de film. J'ai écouté toute sortes de musiques et l'intérêt pour la musique de film est venu plus tard. Chemin faisant, je me suis posé la question "Comment font les autres ?". Qu'est-ce qui fait que chez untel ça marche. Tous les compositeurs peuvent m'influencer et tous les styles aussi. Je peux citer des compositeurs classiques, de Bach à John Adams, par exemple. Quand j'étais plus jeune j'écoutais Frank Zappa et les Beatles. J'adorais le jazz aussi, Miles Davis, Thelonious Monk... J'ai beaucoup écouté des musiques du monde aussi, des musiques traditionnelles. Tout ça me nourrit. Le travail des compositeurs de musique de film m'intéresse aussi mais c'est plus en second lieu, même si lorsque l'on plonge dedans, on s'aperçoit qu'il y a des musiciens exceptionnels qui ont réussit a faire bâtir des oeuvres à part entière tout en se servant des films : de Bernard Herrmann à Jonny Greenwood, Alexandre Desplat ou Bruno Coulais. Il y a tellement de musiciens extraordinaires. Il n'y a pas un compositeur qui ressort plus qu'un autre. 

Vous avez déjà collaboré avec le réalisateur Simon Rouby sur le court métrage "La Marche". Aviez-vous déjà évoqué le projet d'Adama à cette période ?

P.P : Oui, à la base c'était un scénario de Julien Lilti. Il voulait le faire en animation, et il a rencontré ensuite Simon Rouby, le réalisateur. C'est un tandem scénariste-réalisateur, que j'ai rencontré au festival d'Annecy. Rapidement, on s'est dit avec Simon qu'il fallait faire quelque chose ensemble avant de se lancer dans l'aventure d'un long métrage. Il a rencontré son producteur, Naia productions, qui était très intéressée par le projet Adama et qui lui a confié la réalisation de ce court métrage expérimental, "La Marche". On s'est tous rencontrés, réalisateur, producteurs et compositeur, à cette occasion, et on a décidé de continuer ensemble pour Adama. 

Le réalisateur vous a-t-il donné des directives précises ? Savait-il exactement ce qu'il souhaitait ?

P.P : Globalement j'étais très libre, il n'y avait pas d'idée précise pour la musique. Mais tout ce qu'on voit à l'écran a été défini ensemble, comme la flûte d'Abdou, le griot, par exemple. Il y a aussi la cérémonie initiatique qui marque le passage à l'âge adulte et on a vite pensé aux percussions. Je voulais de mon côté ajouter un petit violon africain qu'on appelle le Sokou. On a discuté du rythme, j'avais fait des propositions et Simon m'a ensuite orienté vers un rythme plus tribal encore, plus simple aussi. Enfin, il y avait les musiques du cabaret, un tirailleur sénégalais qui s'assoit sur une caisse en bois et qui commence à jouer avec un accordéoniste, il invente le cajon en quelque sorte. Tout cela a été créé et pensé ensemble et il y a eu un véritable échange. Quand on travaille sur un projet aussi fort qu'Adama, personne n'impose rien à personne, seul le résultat artistique compte. Après, le reste de la musique, plus épique et lyrique, était entièrement de mon ressort, j'avais besoin de cette liberté pour traduire l'émotion du film. 

Comment avez-vous choisi vos musiciens pour cette B.O. ?

P.P : J'avais deux exigences, je voulais d'abord utiliser un orchestre à cordes et il fallait donc travailler avec des musiciens classiques. Ensuite, pour tout ce qui concerne la musique africaine (les percussions, la flûte peule, le sokou et le imzad), je voulais à la fois des musiciens qui connaissent ces instruments mais qui soient aussi capables d'une grande souplesse dans le travail. Je ne voulais pas simplement des puristes, des virtuoses qui jouent uniquement dans le respect de la tradition. Je voulait des gens qui puissent tirer d'autres sonorités de leur instrument. L'idée générale était de ne pas faire de la musique africaine de manière trop traditionnelle et d'essayer de donner une autre image sonore de l'Afrique. Le film traite déjà de la question de la tradition et je voulais m'en détacher pour trouver le mélange idéal entre la musique de film au sens classique du terme et la musique d'Afrique de l'Ouest. 

Le thème d'Adama qui est un parfait dosage des sonorités africaines et philharmoniques , possède un côté dramatique et évoque la course, la fuite . C'est d'ailleurs le thème principal que l'on retrouve sur plusieurs morceaux. Pouvez-vous nous parler de sa construction ?

P.P :  Les premières images que j'ai vues montraient cette scène où Adama quitte le village : sur un coup de tête, il fuit contre l'avis de tout le monde, ses parents, les anciens du village, etc. Il fuit pour chercher son frère et le sauver. Il brave donc un interdit et j'ai trouvé ça vraiment beau, épique et très fort. Il court, on a des plans très larges sur le village, sur les falaises qui l'encerclent, je me suis dit "Il faut qu'on retrouve tout ça dans la musique"... j'ai donc écrit ce thème assez rapidement, avec une idée de contraste entre des cordes lyriques plutôt amples et des percussions rapides et haletantes, qui donnent cette idée de course, de fuite. J'avais envie de ressentir le genre d'émotion que provoquent les musiques de Joe Hisaichi chez Miyazaki. J'ai essayé de faire la même chose avec des instruments africains, ce mariage entre lyrisme orchestral et traditions musicales. 

Tout à fait, ce dont vous parliez tout à l'heure, c'est le mélange des instruments qui fait qu'il y a un morceau qui est vraiment épique et en même temps, nous savons où est-ce que nous sommes.

P.P : Exactement, c'est pour ça d'ailleurs que je ne voulais pas utiliser un orchestre symphonique au grand complet (avec les bois, les cuivres et les percussions classiques). Je voulais garder un peu de place pour les instruments de musique africains dans le mixage général de la musique. 

L'album d'Adama s'ouvre avec la présence du rappeur Oxmo Puccino, qui a eu l'idée de cette belle collaboration ?

P.P : L'idée de cette belle collaboration est d'abord venur du réalisateur et du scénariste. Ils étaient très fans d'Oxmo Puccino qu'ils écoutaient depuis très longtemps. Ils se sont inspirés de son physique, de sa stature, pour le personnage de Djo. Ils souhaitaient donc lui confier le rôle. Au début c'était vraiment un rêve qui, en fait, s'est concrétisé parce qu'Oxmo est quelqu'un de très ouvert et curieux. Je crois qu'il a rapidement accepté de travailler sur ce projet et, très vite, on s'est demandé ce que nous pouvions faire avec lui sur le plan musical. Comme il était question que je fasse la musique de film, on a pensé à une collaboration pour le générique...c'est une idée qui est venu très rapidement. Une fois le film terminé, on a compris qu'il fallait mieux prolonger l'univers du film, le passage à une musique hip-hop ne marchait pas. Oxmo a donc posé sa voix sur une de mes musiques, que j'ai adaptée pour l'occasion. Il a écrit un texte magnifique qui prolonge l'émotion du film et donne un éclairage personnel et poétique. 

Quel sont vos projets à venir ?

P.P : Je viens de composer la musique d'un documentaire sur Bernard Maris ("À la recherche de Bernard Maris", réalisé par Hélène Risser et Hélène Fresnel, NDLR) qui va sortir au mois de Janvier. Je travaille aussi sur une série de court métrage d'animation qui s'appelle "En sortant de l'école". Je travaille sur la troisième saison, c'est une formidable expérience car c'est une série avec 13 courts métrages tous différents, réalisés autour de poèmes d'Apollinaire. Je viens aussi de faire la musique de deux courts métrages de fiction produits par Vagabundo Films. Tout ça va sortir bientôt. J'ai aussi d'autres projets de courts et de longs métrages, fiction et animation, en cours. 

Est-ce que vous allez vous spécialiser dans les courts ou vous allez accepter tous les formats ?

P.P : Le court métrage, c'est ma première famille, j'ai commencé en faisant de la musique de court métrage, c'est donc quelque chose que je n'arrêterais pas de sitôt. C'est un domaine où l'on est très libre, musicalement, artistiquement, et on y fait de belles rencontres artistiques. On n'a pas cette liberté partout ! Mais, après avoir commencé à travailler sur du long-métrage avec Adama, j'ai éprouvé d'autres joies, le plaisir de composer de la musique pour un format long, que je n'avais pas pu éprouver auparavant sur des courts métrages et que j'ai vraiment hâte de retrouver. 

Est-ce qu'il y a un projet de film avec Simon Rouby ?

P.P :  Il n'a pas de projet actuellement. Pour Simon, je crois qu'il y a une étape de décompression parce qu'Adama a représenté énormément de travail, d'investissement intellectuel, et émotionnel. 
•    En ce moment, Adama prend son envol, il voyage dans le monde entier, il y a de très bons retours. Vu le talent de Simon, je pense qu'il refera un autre film, c'est évident. J'espère de tout cœur qu'on retravaillera ensemble mais je pense qu'il faudra attendre un peu ! 

 

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