L'interview de Vincent Laplace

Publié le par Patrick; Laetitia

J'ai eu la chance de rencontrer Vincent Laplace qui a composé la musique de son premier long métrage, Ames Soeurs, d'Hanna Castera, sorti le 13 Février. A cette occasion, il m'a parlé de la B.O de ce film,   dont je vous parlerai plus en détail, et de ses méthodes de travail, toujours à l'écoute des réalisateurs, avec lesquels il instaure une véritable relation de confiance. Une très belle rencontre qui nous permet de vous faire découvrir (ou redécouvrir) un artiste aux multiples talents, passionné par son métier! 

La musique de film :  Tu as travaillé dans différents genres musicaux...

Vincent Laplace : ...C'est un élément central quand on fait de l'arrangement. Antoine Duhamel, qui m'a formé pendant 9 ans, m'avait conseillé de manière active à me concentrer sur plusieurs registres, pour être plus polyvalent. Avoir cette ouverture, cette faculté de penser arrangement sur des univers différents si on veut faire de l'arrangement pour du film, car on peut être amené à avoir des demandes très particulières, on peut fonctionner sur des univers  tout-à-fait singuliers, et bien sûr il faut que le réalisateur soit satisfait.

Lmdf : D’où vient cet éclectisme?(Radio, TV, ciné, web séries) ? 

V.L : Je suis quelqu'un qui vient du classique, c'est une mine d'or en matière de mélodies et d'inspirations, et les musiques du monde niveau ambiance, c'est assez phénoménal, les deux milieux ont été pour moi le vecteur de choses essentielles.

Lmdf : Tu possède un studio d’enregistrement, peux tu nous le présenter?

V.L : C'est un endroit calme et chaleureux, je l'ai souhaité ainsi, en tout cas, j'ai tout ce qui est nécessaire pour respecter les aspirations des uns et des autres.
J'ai établi maintenant un réseau de confiance, lorsque des réalisateurs me demande des choses nécessitant l'intervention de musiciens qui s'adapteraient tout-à-fait au sujet, je n'hésite pas à solliciter mon réseau, et à voir plus loin pour pouvoir toujours faire de nouvelles rencontres . 

Lmdf : Comment se passe le processus de composition?

V.L : C'est toujours un plaisir lorsqu'un réalisateur vous fait confiance. En général, il y a deux écoles, les compositeurs qui travaillent par rapport à un écrit, par rapport à un texte, un scénario, et la seconde école où le compositeur préfère travailler avec le montage complètement fini. Je fais parti plutôt de la seconde catégorie. C'est à dire lorsque le montage est fini, on a tout : le rythme, l'univers, l'ambiance, l'environnement, la saison... tous ces éléments  me permettent d'avoir une première indication. Ça m'arrive de faire entendre au réalisateur des oeuvres qui n'ont pas encore été exploitées, en essayant de me rapprocher de son sujet. Mais la plupart du temps, je suis obligé de corser les choses, une page blanche, comme tout le monde !

Lmdf :  Est que tu travailles seul ou avec d'autres musiciens? 

V.L : Les deux.

Lmdf : Ce que représente le cinéma pour toi, (c'est la colonne vertébrale de ton activité)?

V.L : Parce que j'ai une liberté d'action que je n'arrive pas à retrouver ailleurs, travailler pour des chanteurs ou des artistes est intéressant, il faut respecter leurs identités . Depuis tout petit, j'ai toujours adoré les histoires,  et mettre en musique ce qu'on me raconte.

Lmdf : Est ce que la méthode de travail est différente pour le cinéma ou pour une composition personnelle?

V.L : Elle est tout à fait différente : j'ai une direction précise de la part du réalisateur, on a un time code, on fait l'inventaire de toutes les scènes, savoir à quel moment la musique commence, à quel moment elle s'arrête... et sa direction bien entendu. Il y a également le fait de respecter un délai, le réalisateur ayant lui-même un délai pour son exploitation, la partie distribution... Et puis, le fait d'avoir un délai, permet d'augmenter l'énergie,  et cela crée un dynamisme qui me motive !

Lmdf : J'ai regardé le court métrage " Je suis la france ", réalisé par Farid Ismail, avec un magnifique thème, peux tu nous en parler?

V.L : J'ai eu l'immense plaisir de travailler avec Farid Ismail, qui est vraiment un ami. C'était la première fois que je travaillais pour l’un de ses projets alors que ça fait un moment que l'on se connait. Au tout début, il m'a demandé d'écouter une partie du Thème de E.T. , il souhaitait que je réfléchisse à une séquence qui s'en inspirerait. J'ai accepté, je ne savais pas combien de temps j'avais par rapport à ça, c'est un court pour le festival Nikon 2019 , donc  il n'y avait pas beaucoup de temps par rapport à ça. Je suis très content du thème, Farid a beaucoup aimé, au point d'en faire une version longue.

Lmdf : Ames soeurs, qui sort le 13 Février, c'est ton 1er long métrage, à quel moment es tu intervenu? Une fois tout terminé ou  sur scénario?

V.L. : J'étais dans une agence qui s'appelle BMG Productions, et Mathias Benamo m'a mis en relation avec Hanna Castera, Le projet devait être  finalisé en Décembre, on avait cette contrainte de temps, j'avais un peu plus de deux mois pour ce travail, c'était pas beaucoup. mais Hanna savait exactement ce qu'elle voulait pour son projet, donc c'était assez facile.

Lmdf : J'ai écouté les  Thèmes d'Ames sœurs, il y en a de très beaux, dont un Balcon Souad et d'autres  très angoissants.

V.L : Balcon Souad a une histoire : il a été écrit avant que l'on me propose Âmes sœurs, la première fois que j'ai écrit ce thème c'est en 1993, sur une péniche, qui s'appelle l'équité, qui existe toujours, au port de grenelle, à Paris. Je l'avais composé à titre personnel, ça n'était pas encore abouti. les compositeurs sont un peu comme des écrivains, on a souvent des débuts de composition que l'on met en archives. Au fur et à mesure que le temps passe, c'est comme le vin, ça mûrît pour pouvoir se développer un moment donné. Pour ce morceau c'est exactement ce qui s'est passé, je l'avais écrit en 93, je n'en ai plus eu besoin jusqu'en 2014. En 2014, j'ai rencontré un metteur en scène montait un projet. Je lui ai fait écouté ce thème qui lui a bien plu, j'ai donc pu le développer encore davantage par rapport à ce qu'il m'avait dit. Malheureusement, le projet n'a pas abouti, principalement pour une question de financement. le thème a été donc développé, mais était resté en l'état jusqu'au jour ou Hanna Castera a souhaité développer encore davantage ce thème pour Âmes Sœurs.

Lmdf : Et pour les 2 thèmes Angoisse,  on entend plus habituellement ce type de thèmes dans les thrillers...Est ce que ce sont des thèmes créés spécialement pour le film?

V.L : Oui, ça fait bien partie de la B.O.
Lors de l'avant-première en Novembre, au cinéma Mac Mahon, le Directeur qui a eu un coup de cœur pour le projet, et a décidé d'une sortie nationale dans 250 salles. Ce sera également diffusé en Espagne.

Lmdf : C'est un film très fort, traitant d'un sujet délicat (le cancer, la chimiothérapie...).

V.L : Oui, certains ont le  sentiment que c'est quasi documentaire, on va voir comment cela sera reçu par les professionnels de médecine et comment le ressent le public par rapport à la manière dont le sujet a été abordé. Avec Didier Gustin qu'on n'a pas l'habitude de voir dans ce registre dramatique.

Lmdf : Quels son les projets pour 2019?

V.L : Je suis en train de faire un montage son et image, pour un long-métrage de Franck Paly  qui s'appelle C'est la première fois. C'est beaucoup de travail, 6h30 de rush !

Lmdf : Y-a-t-il un réalisateur avec lequel tu aurais envie de travailler ?

V.L : Tout dépend du sujet, de l'histoire, mais j'aimerais beaucoup travailler avec Jean-Pierre Mocky et Jean-Pierre Jeunet. C'est toujours une aventure, comme pour les comédiens, c'est toujours un challenge. la musique de film, c'est l'école de l’humilité, on n'a toujours peur d'en faire trop, d'écraser la situation par rapport à l'image. 

Lmdf : Propose-tu des musiques, lorsque le réalisateur n'a pas d'idées définies ?

V.L : Oui, cela m'arrive. Mais il y a maintenant des agences de communication qui proposent de la musique au mètre, ce qui a l'avantage d'être moins cher pour le réalisateur, mais il faut savoir que ces musiques ne peuvent pas être retouchées, alors que le but d'une création musicale, c'est vraiment de pouvoir retoucher, jusqu'à ce que ça soit impeccable, en adéquation parfaite avec ce que veut le réalisateur, cela ne peut pas être le cas avec une musique pré-enregistrée.

Publié dans Interview, 2019

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