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Publié par Patrick

J'ai eu la chance d'interviewer Sepideh Farsi, réalisatrice du film Demain je traverse, et avant ça, entre autres,  de Red Rose. Nous avons parlé de la musique de son long-métrage, composée par Erik Truffaz, de  son approche de la musique  et de son faible pour la trompette qui est  l'instrument commun à Erik Truffaz et Ibrahim Maalouf, compositeur de Red Rose.

Un très grand merci à elle !

L'interview de Sepideh Farsi, réalisatrice de Demain, je traverse, sortie en Juin 2022

La Musique de film : Comment est né le projet de ce film ?

Sepideh Farsi : C'est un projet qui vient de très loin, qui date d'il y a une dizaine d'années. La plupart du temps, lorsque je pense à un projet, depuis la première étincelle jusqu'à la dernière étape, cela prend très longtemps, souvent une dizaine d'années. Pour ce film ça venait également de très loin. Dès la première articulation du projet il y a déjà eu cette idée d’altérité. La fascination pour quelqu'un qui vient d'ailleurs un rapprochement une rencontre deux personnes qui viennent de deux mondes différents. Il y avait l'histoire d'accidents une histoire de trauma. Au début il y avait toujours la figure de l'étranger de l'autre et dans une 2e phase il y avait la figure d'autorité de celui ou celle qui représente l'autorité publique, la douanière. L’histoire se passait dans une ville du bassin méditerranéen, à un moment donné je faisais des repérages à Marseille j’ai réalisé que Marseille ne correspondait plus à ce que je cherchais. Il y avait également la question du flux migratoire, il y avait l'amnésie qui était présente dans le projet qui a disparu par la suite. Il restait bien sûr l'histoire d'amour depuis le début et au moment où je finalisais le scénario, la Grèce était une plaque tournante qui faisait plus sens par rapport à la crise qu'elle traversait quand les migrants arrivaient et toutes les histoires que on entendait. J'avais déjà tourné deux films en Grèce où j’avais plus d'affinités et je commençais à mieux la connaître, du coup j'ai réécrit la version finale de l'histoire pour la Grèce et par rapport à ce qui se passait avec le conflit Syrien. Ça a donné le film dans la version que vous connaissez.

Lesbos (Mytilène) est une île vers laquelle convergent les migrants naturellement à cause de sa proximité avec la Turquie. De grands flots de migrants y arrivent par la Turquie pour aller en Europe. J'ai fait beaucoup de recherches là-bas car j'aime bien avoir, même dans mes films de fiction, quelque chose qui est en prise avec la réalité. Je le fais avec ma vision, je réécris et je mets en scène selon mon prisme. J'aime bien inclure un lien tangible avec le réel. Pendant mes repérages à Lesbos, j'ai découvert que les oiseaux migrateurs s’arrêtaient sur cette île et que c'était une halte sur leur route. Il y a bien une logique dans la nature et dans la nature humaine.

L'interview de Sepideh Farsi, réalisatrice de Demain, je traverse, sortie en Juin 2022

LMDF : Comment avez-vous choisi vos 2 acteurs principaux (NDLR : Marisha Triantafyllidou et Hanna Issa) qui ont une qualité d'interprétation exceptionnelle ?

Sepideh Farsi : Effectivement les deux protagonistes portent vraiment le film.
Marisha est une actrice connue en Grèce moi je l'avais vue dans d'autres films. J'ai longtemps cherché la personne qui pourrait incarner le personnage de Maria, et je pensais à Marisha Triantafyllidou, en me demandant si elle pouvait incarner le rôle de Maria qui a une certaine dureté, une certaine intransigeance, malgré la douceur innée de son visage. On s’est beaucoup parlé et finalement elle m'a convaincu.

Et Hanna Issa était un jeune comédien syrien qui avait quitté la Syrie pour aller en Turquie et avait joué dans une série. Il avait fait la traversée en mer réellement pour arriver en Grèce et quand moi je l'ai rencontré pour la première fois, il venait juste d’arriver en Allemagne allait vers l’Autriche, c'est là où il vit aujourd'hui. Je l'ai trouvé par un ami syrien, réalisateur, je voulais vraiment que ce soit un Syrien qui joue le rôle. Je l'ai d’abord contacté via Facebook. On m'a proposé plusieurs comédiens syriens du même âge, je leur ai demandé de m'envoyer des bouts de vidéo pour les tester car c'était compliqué pour eux de se déplacer.  Ça a duré un certain temps avant de trouver les 2 comédiens principaux de « Demain je traverse ».

LMDF : Et ça n'a pas été trop dur pour le comédien principal de revivre la traversée qu'il avait déjà vécu en réel ?

Sepideh Farsi : Il y avait des moments d'émotion mais ça l'a aidé car il avait déjà l'expérience de ce vécu-là. On a regardé beaucoup de vidéos ensemble. Dans la scène de la barque on avait fait un casting de figurants avec des gens qui avaient fait la traversée, il y en a qui étaient traumatisés au moment de tourner la scène. L'une des femmes choisies n'a pas pu faire la scène. Pour la plupart des gens, cette expérience reste traumatique mais dans le cas de Hanna cela a nourri son jeu et son interprétation il y a eu des moments compliqués effectivement, mais il s'en est très bien sorti.

LMDF : Pour le film Red rose vous aviez fait appel à Ibrahim Maalouf et pour celui-ci vous avez fait appel à Erik Truffaz que représente pour vous la trompette car ils sont tous les 2 trompettistes

Sepideh Farsi : La trompette, on l'utilise dans un style de théâtre en Iran qui s'appelle le ta'zieh, c'est un style de théâtre traditionnel, mais dans ce contexte, l’instrument n’a pas un son jazzy. c'est un instrument dont la plainte a quelque chose qui se rapproche de la voix humaine. le timbre de la trompette est très riche, surtout en solo pour incarner une certaine souffrance ou une certaine nostalgie plus que d'autres instruments. Donc j'ai un faible pour cet instrument, ce qui explique mon choix, pour Red Rose et Demain je traverse, de deux trompettistes de renom. J'avais envie de travailler avec Érik. Il joue beaucoup avec des musiciens d'origines différentes donc il a un côté fusion qui élargit vraiment le registre du jazz et qui va vers la musique du monde. Jaime bien ce côté fusionnel et multiculturel ça enrichit sa musique. Ce qui est drôle c’est que j'ai un autre film sur lequel je travaille en ce moment, un film d'animation. C’est pour un autre film que je suis allé voir Érik. Le film, qui est un film d’animation, s'appelle La sirène et sortira courant de l’année 2023. Un film d'animation ça prend énormément de temps et je lui ai dit « Avant de faire la musique de La sirène veux tu faire celui-ci » et il a dit « Avec plaisir ».

LMDF : À quel moment du film songez-vous, en général, à la musique ?

Sepideh Farsi : Assez tôt, avant le tournage j'écris beaucoup avec la musique, le scénario je l'écris en écoutant de la musique. Pour La sirène, c'est venu très en amont mais pour Demain, je traverse, le scénario était déjà écrit. Pour Red Rose, J'ai découvert le travail Ibrahim Maalouf lorsque j'avais déjà tourné, c'était un jeune artiste alors. Dans Red Rose, j'ai pris la musique d’Ibrahim pendant que j'étais déjà au montage et j’ai monté les deux scènes sur sa musique, puis je l’ai contacté en lui envoyant le montage, et il a immédiatement accepté de composer la musique du film. Quant à Érik, je connaissais déjà sa musique au moment où j'étais en train de finir le scénario. C’est très différent en fait, parfois ça vient beaucoup plus tôt et quelquefois un peu plus tard. Mais en général, avant le tournage.

LMDF : Est-ce que vous saviez exactement ce que vous souhaitiez comme musique sur chaque scène ou sinon ça venait au fur et à mesure du montage ?

Sepideh Farsi : J'avais une idée assez précise du genre de musique que je voulais, je ne voulais pas de musique totalement jazzy mais je ne voulais pas non plus une composition totalement orchestrale et symphonique. Je voulais qu'il y ait un côté un peu fusionnel entre l'orchestre et le côté un peu oriental, un peu traditionnel. Je lui ai demandé de m'envoyer ses premières propositions avant que je commence à tourner, sur la base du scénario. On a fait un ping-pong, on a affiné ensemble en avançant au fur et à mesure et lorsque les premières scènes ont été tournées, j'ai commencé à lui envoyer les images. On a regardé les images ensemble pour affiner, finaliser, la version des choses qu'il m'avait déjà proposées. Les maquettes ont été faites sur la base du scénario. Érik lorsqu'il a la base, une fois qu’on est d’accord, il refait sa trompette, il ajuste le phrasé pour La sirène surtout. Pour l'animation on est encore plus pointilleux pour l’articulation de la musique à l'image. Il a joué beaucoup à l’image mais pour Demain, Je traverse, ça s'est fait au fur et à mesure et effectivement, il a affiné avec le montage final des scènes. Il est arrivé plusieurs fois qu'il propose une musique pour une certaine scène et au montage on voit que ça ne fonctionne pas si bien que ça et que ça va mieux par rapport à une autre scène et dans ce cas, on le change. Et Erik est très à l’écoute dans la collaboration.

Je vais vous raconter une anecdote… Pour la scène où Maria rentre pour la première fois dans le camp de réfugiés. En conduisant, elle passe à côté de migrants et elle ne s’arrête pas elle continue et elle est totalement frappé (et le spectateur avec elle) au moment où elle franchit le seuil du camp. Pour ce moment-là Erik m'avait fait une proposition et je lui ai fait écouter l'enregistrement qu’a fait ma fille qui s'était inspirée d'un morceau folklorique Iranien. Elle avait utilisé un enregistrement vocal du chant avec l'alto, elle avait chanté elle-même. Et Erik me demande si ma fille serait d'accord pour qu’il l’utilise dans sa composition. Ma fille a accepté et Erik a intégré ce morceau à sa composition. Ce n'était pas prévu au départ pour ça mais Erik a voulu l'intégrer à sa musique pour apporter plus d’épaisseur à la scène.

LMDF : Erik a fait une très belle musique dans le film, y-a-t-il une édition digitale ou physique qui est prévue ?

Sepideh Farsi : Moi j'aimerais beaucoup mais je ne sais pas encore s’il y aura une édition. Ce qui me plaît beaucoup dans la musique de Truffaz, c'est que c'est très généreux, très sensible pas invasif, très discret qui accompagne l'image, la ligne émotionnelle de la narration sans s'imposer ce qui n'est pas facile. Je n'aime pas la musique de film qui est là pour couvrir l'image, ce qui souvent le cas aujourd'hui au cinéma.
Et Érik a su, par deux fois, vraiment se mettre au service de l'image et ne pas s'imposer. Je trouve que la musique s'enrichit d'autant plus avec l'image, c'est un enrichissement mutuel entre la musique et l'image, c'est un échange de bons procédés ou les 2 éléments se rehaussent l'un l'autre au lieu de s'écraser l'un l'autre, comme ça arrive quelquefois au cinéma.

LMDF : Est-ce qu’après ces 2 collaborations vous continuerez à travailler avec lui ?

Sepideh Farsi : Pourquoi pas, là j'ai un projet de western Iranien, j'ai déjà écrit le scénario. Le film a un ton qui se prête moins bien au travail d'Erik, j'irai certainement travailler avec un autre compositeur ou un autre musicien parce que c'est un univers qui est très différent de mes précédents films. J'aime bien faire  de nouvelles expériences formelles, à la fois narratives et musicales. Il y a un côté, plus road movie avec plus d’humour, le choix musical ira plus dans cette direction, mais je retravaillerais certainement avec Erik encore sur l’un de mes prochains films.

LMDF : Alors La sirène sort en 2023 le western iranien, peut-être en 2024, c'est bien ça ?

Sepideh Farsi : C’est difficile en ce moment de dire de la vie des films parce que tout en ce moment est un peu aléatoire. Le western est encore en développement et il est encore difficile d'en parler.

La bande annonce

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