Edouard Rigaudière et Anthony D’Amario : Cuisine Interne - L'interview

Publié le par Patrick

Après avoir eu la chance d'interviewer Edouard Rigaudière et Anthony D’Amario pour la B.O. d'Ils étaient 10, j'ai pu de nouveau le faire l'occasion de la sortie de l'Album Cuisine Interne. Nous avons aussi échangé à propos de la série Les amateurs dont l'album va sortir prochainement. 
Merci à Edouard et Anthony pour nous en avoir appris plus sur la création de ce bel album! 

La musique de film : Vous êtes maintenant au sein de l'Agence 3ème auteur, qu'est-ce que ça change pour vous ?
 

Anthony d’Amario : En fait, c'est un accompagnement. Ça nous permet de nous concentrer uniquement sur la musique, chose qui parfois, n’est pas évidente. A chaque fois qu'il y a un problème lié au budget ou à des problématiques autres que la musique, cette gestion revient à l’agent.
 C’est donc Pierre Cattoni qui s'occupe de nous et ça nous permet de nous concentrer uniquement sur l'artistique. C'est un poids en moins finalement. Et puis surtout, ça nous donne une vitrine aussi, car plusieurs compositeurs sont représentés, et donc c'est cool, on fait partie d’une “famille”, c'est assez sympa.

Edouard Rigaudière :  Le travail de l’agent c'est de nous représenter, et également de nous trouver du boulot, accessoirement 😊 Donc ça se passe très bien, en tout cas, tout le monde a du travail.

LMDF : Au tout départ, vous vouliez devenir réalisateur ?
 

A. D’A. : Oui, je me suis posé la question. Mais j’ai vite arrêté cette idée parce que je trouvais ça encore plus stressant que de faire de la musique, donc ça m'a un peu “déchauffé” personnellement.

E.R. : En fait, il faut être tellement en poste à tous les niveaux. Dès qu'il y a un problème, c'est le réalisateur que l’on va voir, quel que soit le corps de métier, que ce soit au niveau de l'artistique, des décors, des figurants; c'est ça aussi qui fait peur. Puis, il y a le côté où il faut vraiment diriger les acteurs et c'est une composante qui est quand même fondamentale pour beaucoup de réalisateurs, en tout cas pour les meilleurs, je pense. Et moi, je me suis rendu compte que c’était plus le côté visuel et artistique qui me plaisait, et pas vraiment la direction d'acteurs. C’était plus de participer à l'esthétique d'un film.

A. D’A. : De ma petite expérience où j'ai réalisé un court ou des petites choses, c'était pour pouvoir coller de la musique dessus. Finalement, ce n'était qu'un accessoire pour mettre de la musique, donc le choix s'est fait naturellement.

E.R : En tant que réalisateur, les seules réalisations que j’ai faites, c'étaient des clips sur des musiques à moi. Donc en fait l'un dans l'autre j'allais finir par faire de la musique de film, c'était plus simple et évident.
 

LMDF : Pouvez-vous nous parler de la série Cuisine Interne diffusée en novembre sur 13ème rue et maintenant disponible sur Universal Plus (qui est je crois accessible depuis SFR et aussi sur Prime vidéo)?
 

A. D’A. : C’est une série réalisée par Louis Farge, un thriller dans l’univers de la haute gastronomie et qui est directement accessible via Prime Vidéo sur Universal +. Ce qui est cool parce que c'est la seule plateforme qui peut se permettre de proposer les catalogues de groupes “concurrents”. Donc on peut s'abonner et voir la série assez facilement. 
 

LMDF : Au niveau de la musique, dès le départ avec le générique, j'ai trouvé très bien le mélange d'instruments classiques de synthé et d'objets de cuisine. Ca n’a pas dû être facile à orchestrer, à créer tout ça. Comment ça s'est passé au niveau de ce morceau ? Et puis du reste de la BO ?
 

A. D’A. : Bon, en fait, c'est un truc qu'on aime bien faire, en tout cas avec Édouard, c'est très souvent qu’on essaie de s'appliquer à trouver un thème. Et aussi parallèlement un concept, quand on a le luxe de pouvoir le faire. Et là notamment, en échangeant, on s'est dit, qu’on allait enregistrer des éléments de cuisine pour faire de la percussion et par exemple si on avait enregistré des voix qu'on avait mêlées au synthé aux RS, on essaie de toujours trouver un concept qui fait un côté un peu “production “ qui va nous impliquer encore plus dans le processus créatif.
 

E.R : Il s’agit aussi de prendre un élément central du scénario et de l'incorporer dans la musique aussi pour que, automatiquement, ça parte sur quelque chose de cohérent, puis d'amener une expérience en plus dans la musique.

A. D’A. : Ça s'applique bien en plus.
 

LMDF : Oui, puis c'est très original. Il faut vraiment le remarquer qu'il y a des instruments de cuisine, parce qu’à l'oreille, on ne l’entend pas forcément, moi, je ne le détecte pas au départ. C'est en regardant la vidéo et en écoutant les autres titres que je me suis dit que d’autres sons étaient dedans et j'ai trouvé ça super sympa. Et donc, vous avez tout mis, vous avez pensé les trois en même temps, orchestre, synthés, ustensiles ou vous avez ajouté les instruments au fur et à mesure ?

A. D’A.. : Cela donne un ton très naturel parce qu'on aime bien mélanger, comme on disait, les textures acoustiques, les synthés, les concepts. Donc en fait, on s'arrange pour que ça fasse un tout cohérent. Et souvent, comme je disais tout à l'heure, on part d'un thème et on construit autour de ça. C'est dans l'arrangement, je pense. 
 

E.R. : Oui, c'est exactement ça. C'est aussi que le réalisateur voulait vraiment quelque chose de précis. Il avait l’idée de quelque chose de très rythmique. La première musique référente qu’il nous a fait écouter, c'était un morceau sur lequel il y avait vraiment beaucoup de rythmes, un peu de jazz, plus ou moins, mais vraiment très métronomique. En fait, il tenait vraiment à ce qu’il y ait une notion de rythme tout le long, de répétitions. 
Donc on s'est dit que le plus cohérent, c’était de retranscrire la fourmilière d'une cuisine, c'est-à-dire tous les bruits qui s’y passent et qui rythment le film finalement. Parce que le tempo de la série est donné par ce qui s'y passe, dedans et dehors. Et du coup, ça nous semblait logique d’avoir ces instruments et les sonorités qu'on avait vraiment enregistrées dans les cuisines et en studio, on a fait un peu le mix.

LMDF : J'ai trouvé que le thème principal, justement dans le premier morceau, fait un peu “bondien”. Pas dans le thème exactement, mais dans une sorte d'orchestration, la progression à partir de 30 secondes jusqu'à une minute. Le thème qui est repris d'une certaine façon, j'aime beaucoup.

A.D’A. : Bizarrement, c'était pas du tout notre référence, mais enfin, t'es pas le premier à nous le dire, donc c'est qu'il doit y avoir quelque chose parce que le côté James Bond est pas mal ressorti. Souvent, on nous l’a dit, mais en fait, c'est l’harmonie qui est entre le thriller et la comédie noire.
Je veux dire, on a essayé d'y mettre un côté un peu film noir dans le thème principal, du coup, c'est une référence qui revenait souvent quand on nous le disait, mais ce n'était pas voulu. On ne s'est pas dit ça au début en tout cas.

LMDF : Et donc ce thème, il est décliné dans ce que je trouve comme l'un des meilleurs titres, Le ballast, avec un suspense qui évolue, et je trouve qu'il est aussi très bien fait. Ce thème, c'est l'un des meilleurs au niveau du suspense. 

E.R. : On dit que c'est une déclinaison qui marche très bien sur les scènes de préparation de plats en cuisine aussi notamment. La première partie du morceau, surtout parce que c'est un peu classieux, il y a un côté qui est presque luxueux., j'ai envie de dire, qui accompagne très bien des plats, et cetera. Ça représente bien l'ambiance d'un resto avec toujours bien sûr cette rythmique de cuisine. D'ailleurs elle est d’autant plus importante dans ce morceau parce que c'est un sample qui est en boucle constante. Du coup, c'est un peu ça qui “drive” tout le morceau et le piano qui s’ajoute, puis le reste des instruments par-dessus tout ça au fur et à mesure, c'est par couches. En fait comme dans un morceau qui s'appelle justement Mille-feuille, avec cette notion claire de couches aussi, qui est propre à la cuisine.

A.D’A. : D'ailleurs, il y a un batteur aussi qui est enregistré et les cordes qui sont enregistrées également, l'orchestre de cordes à la fin. C'est un des morceaux centraux, j'ai envie de dire, on a passé un peu plus de temps parce que ça faisait partie, avec le générique principal, des gros blocs, des nuances.
 

E.R. : Les grosses pièces, oui. Cela fait partie des morceaux auxquels on tient le plus et ce qui est sympa aussi dans la fabrication de cette BO, c'est que les batteries sont enregistrées en Colombie. On a fait toutes les choses depuis ici. L'orchestre était enregistré à Budapest avec nous en visio. Donc il y a un côté un peu mondial, et ça ressemble aussi un peu à la série, qui est assez actuelle.

A.D’A. : Sortie de confinement surtout donc, il fallait faire avec ces choses là. On ne pouvait pas trop se déplacer, y aller. C'était un peu compliqué. C'était assez compliqué pour des raisons de budget aussi, évidemment.

LMDF : Au niveau des thèmes suspens, il y a aussi celui de Anton Arinov que j'aime beaucoup, cela en fait un morceau qui est super bien construit, et qui fait partie des morceaux que j'aime bien dans ce style.
 

A.D’A. : C'est pareil, c'est un morceau très orchestral pour le coup, et c'est le thème du grand méchant de la série. Et il y a une autre déclinaison aussi qu'on a mis dans un autre morceau un peu plus nappeuse, qui expose un peu plus simplement le thème aussi, mais qui, elle, est beaucoup plus synthétique.
 

E.R. : C'est un morceau qui est venu un peu plus tard. On avait déjà bien avancé et le réalisateur nous a dit qu'il tenait vraiment à avoir un morceau pour l’antagoniste principal, et on s'est bien amusé sur celui-là, on a aussi un léger son d’instrument russe. 
 

A.D’A. : Oui, Balalaïka.
 

E.R. : En fond aussi, pour ajouter des petites couleurs.
 

A.D’A. : C'est un petit peu cliché, mais vu que le méchant est russe, on a caché des petites sonorités dans les Balalaïka. C’est un peu sur les stéréos comme ça où il y a 2 balalaïkas à la fin de chaque côté qui appuie le thème à certains moments, et on l’entend plus particulièrement à la fin du morceau.

LMDF : Mais c'est bien disséminé, on l’entend mais ce n'est pas un truc où on entend vraiment que ça.
 

E.R. : Et sous couvert de tout ça, sur toute la BO et même dans celui-là un petit peu, on a essayé quand même de garder des couleurs jazz moderne dans la façon dont on pense les morceaux et dans l'instrumentation. Ne pas faire du full orchestral ou du full synthé, essayer toujours de garder un axe. C’était un peu notre ligne de cohérence je pense, sur toute la BO, que ce soit visible ou pas. Que ce soit juste une petite cymbale qui fasse un petit rythme, un petit swing ou que ce soit juste une contrebasse, on a essayé de garder ces éléments pour booster notre ligne directrice, si je peux dire, en termes de style.

LMDF : Parce que la BO est vraiment rythmée, il y a du suspense. Il y a des très beaux thèmes, mais il y a aussi  beaucoup de rythmes, d'ailleurs y en a un que j'aime beaucoup, c'est le titre En cuisine que j'ai trouvé assez jazzy et qui fait presque années 70 avec la flûte.
 

E.R. : Oui, c'est ça l'idée, c’est carrément l’idée
 

LMDF : Ca m'a fait penser à quelque chose. C'est comme si on avait un top départ, on posait les ustensiles de la cuisine et puis après il y avait quelque chose qui commençait. Ça me fait penser à ça. 
 

E.R. : C'est l'idée. C'était un peu le morceau pour les moments qui, encore une fois, se passent en cuisine, même si ce n'est pas que ça dans la série. Pour le coup, la cuisine (l’espace cuisine) devient presque secondaire au bout d'un moment. C'est un morceau qui fourmille, qui danse. C'est un peu comme dans la cuisine, les gens qui passent, on va, on vient.

A.D’A. : C'est ce qui nous permet d'apporter du rythme et un peu d'action au moment voulu. On en avait besoin plutôt que de tomber dans le truc bateau de musique d'action sur une séquence, ça nous permettait de t'amener du rythme sur des séquences, parfois il y a des poursuites, des choses comme ça. C'est utilisé aussi à cet effet là. Et la flûte justement y amène aussi. On tenait à ce côté un peu classieux du Jazz qui a souvent un rapport parce que là, le côté grande cuisine, malheureusement, c'est un peu associé aussi à l'élite et c'est le fait d'amener ces sonorités là, ça nous permet d'utiliser un stéréotype à notre avantage.

E.R. : C'est ça, avec le côté un petit peu rétro du solo de flûte pour le coup, et de tout le morceau, c'est un peu le morceau le plus rétro. On a essayé de mettre des petites touches modernes à la fin, mais à des endroits, c'est un peu un plaisir coupable. Ce morceau est embelli par un solo de flûte improvisé par un très bon saxophoniste (Olivier Defays), qui est un pur jazzman pour  le coup.
 

LMDF : Et d'ailleurs avec la guitare qui reprend le thème à la fin. Je le trouve super bien amené et tout ça, il est vraiment excellent, ce morceau.
 

A.D’A. : On a amené l'harmonie du thème à la fin. Justement on essaie toujours que ce soit de près ou de loin, d'avoir le thème qui se cache quelque part pour que ça enrobe un peu le tout, parce que c'est vrai que l’on passe d'une musique un peu moderne, classique, avec des synthés, à un truc un peu plus funky, mais il faut quand même garder un peu une cohérence. C'est ce qu'on essaie de faire.
 

E.R. : Autrement que le côté jazz comme on disait, c'est vrai que la ligne principale reste quand même ce thème, et les thèmes. Quel que soit le morceau, quel que soit le style, on a quand même essayé de citer le thème, même si c'est les 2 premières notes, les 3 premières notes ou en entièreté.
 

LMDF : Parce que dans Mille-feuille je crois que le thème est presque tout le temps là en fait, différemment orchestré bien sûr.

A.D’A. : Oui, il est cité et un peu détourné.
 

LMDF : C'est vrai qu'il y a tellement de titres que j'ai bien aimé sur cette BO. Et sur “ils étaient dix” vous aviez un orchestre ou pas ? 
 

E.R. : Un violoncelliste, c’est tout.
 

LMDF : Parce que là justement, dans les titres par exemple le Thème d'Adriana ou Sœurs, je trouve que l'orchestre apporte beaucoup d'émotions par rapport aux séquences, tout en retenue, il y a beaucoup d'émotions avec les cordes je trouve que c'est super beau.
 

A.D’A. : On a fait des morceaux un peu dans ce sens-là pour aussi importer cette couleur. Parce que on n'a pas toujours le temps et l'occasion d'enregistrer un orchestre malheureusement, même si maintenant on essaie de le faire de plus en plus, au moins d'enregistrer parce que c'est vrai que cela a apporté quelque chose. Avec le recul, il existe des morceaux, qu'on assume toujours, dont un qui nous ressemble vraiment beaucoup. Mais il y a quelques passages, avec du recul, qui auraient été mieux  enregistrés. C'est bon, mais c'est toujours mieux quand c'est enregistré.
 

E.R. : C'est plus vivant, ça amène beaucoup de vie.
 

A.D’A. : Oui, l'interprétation amène aussi beaucoup
 

LMDF : Et au contraire, par exemple, Etouffées que j'aime beaucoup aussi, j'ai l'impression qu'il n’y a que du synthé, mais il est super bien amené, j'aime bien ce son de synthé. 
 

A.D’A. : C'est ce qu'on aime aussi beaucoup. Si on aime beaucoup les synthés, tout ce qui est moderne, on essaye toujours de faire un mix des 2. C'est vrai, que celui-là est très synthé. Il est pur synthé. Et c'est aussi un style qu'on aime beaucoup. 
Avant cette série et Les amateurs qui sont les 2 séries qu’on a fait cette année, on était quand même pas mal estampillés films d'horreur, films de genre. Et c'est vrai que nous, on vient de là, donc tout ce qui est synthé, dès qu'on peut en mettre, on s'en donne à cœur joie.
 

E.R. : C'est un morceau qui est assez tendu, qui est pour les scènes de tension. Pour la série il n’y avait pas de scènes qui avaient besoin, pour le côté vraiment tendu, de grandes parties d'orchestre. Nous, on a préféré  rester sur des choses un peu minimalistes on va dire, parce que les synthés le font très bien, pour le coup. Et pour ce genre de chose, c'est un morceau qui est très tapissé dans la série et qui marche. C'est une déclinaison du thème quand même, mais en version Dark.
 

LMDF : Et au niveau du réalisateur, est-ce qu’il vous a dit par exemple entre Synthé et puis orchestre ce que lui préférait ou c'est vous qui avez décidé ?

E.R. : Il nous a fait confiance depuis le début donc en fait, il avait juste quelques références de musique qu'il nous a envoyé et il voulait un thème fort et après il nous a fait tellement confiance qu'en fait on est parti sur notre délire. On lui a envoyé deux démos, qu’il a validées tout de suite avec une mini note sur un petit détail et puis après c'était parti en fait. Il nous a vraiment laissé faire notre choix et ça a été royal de ce côté-là.

A.D’A. : Il nous a fait confiance.
 

E.R. : C'est le plus plaisant, avec un réalisateur en fait, c'est qu’il nous fasse confiance, qu'il sache qu'on est là parce que c'est notre métier de faire ça. Il nous a donné bien évidemment les consignes et même parfois certaines restrictions. On va dire qu'elles sont bénéfiques pour nous, et même dans ce cas-là, il n’y a pas de filtre, c’est extrêmement fluide.

A.D’A. : Et oui, ça a été très fluide.
 

E.R. : Très fluide, donc sur tout ce qui a été choisi, il nous a fait confiance à fond. C'était vraiment aussi ce qui a rajouté au fait qu'on a pu s'amuser et se faire plaisir aussi sur cette BO, d’être extrêmement libre. Le fait que justement on ne s'est pas imposé le choix de ce qu'on allait faire. C'est venu naturellement, en fait.
 

LMDF : Je vois que sur Spotify, par exemple, il y a Guillaume Boisseau et Clément Garcin, qui sont crédités sur certains titres.
 

A.D’A. : Il y a des compositeurs additionnels parce qu'on était sur 2 séries en même temps, il y a des choses qu'on a délégué, donc on leur a donné les thèmes, les instruments utilisés. On leur a donné un vrai cadre et ils nous ont fait des premières versions qu'on a retravaillé ensuite pour les réadapter à notre son. Et ça a été très bénéfique parce que ça nous a aussi permis de nous concentrer sur les morceaux les plus importants, les morceaux qui sont, j'ai envie de dire, les plus centraux dans la série . A chaque fois, on travaille quand même chaque morceau pour qu'il y ait une vraie cohérence et avec le reste. Mais ça a été vraiment bénéfique parce que c'était 2 séries, une de 10 épisodes et une de 6 épisodes. Face à un volume pareil, on s'est dit qu'on ne pourrait pas tout faire.

E.R. : Surtout que ça allait vite, en plus. Cuisine interne, ça a été très rapide en termes de production.
 

A.D’A. : A peine 2 mois!
 

E.R. : Donc c'était vraiment très rapide.
 

A.D’A. : Six épisodes c'était quand même un rythme, un rythme très effréné.
 

E.R. : Comme on a été obligé de s'entourer un petit peu pour proposer encore des morceaux un petit peu plus longs et des déclinaisons toujours bien cohérentes.
 

A.D’A. : On récupère des thèmes qui sont parfois des compositions que l’on a adaptées.
 

E.R. : On les a adaptées pour les rentrer dans la cohérence. Comme disait Antho, la cohérence globale, cela reste nos sonorités, tout en étant du côté du collaboratif qui était bénéfique pour nous et qui était même nécessaire, puisque sinon on n'aurait pas pu faire des choses aussi bien, et nous n’aurions pas pu nous concentrer aussi bien sur les morceaux qui nous tenaient plus à cœur et qui étaient plus lourds en termes de production.
 

A.D’A. : Oui, du coup, Guillaume Boisseau et Clément Garcin ont été d’une aide précieuse. Il y a aussi Alex Cortés qui nous a filé un coup de main sur le morceau Anton Arinov
 

E.R. : Sur Ils étaient dix, on était tellement une petite équipe, on était que nous 2. Nous 2, et un violoncelliste. Et là, on a eu beaucoup de chance d'avoir une belle équipe, que ce soit au mixage, que ce soit les assistants mixeurs. Que ce soit à l'orchestre, que ce soit le chef d'orchestre. Et nos compos additionnelles. 
 

LMDF : Oui, disons que du coup, en 2 mois, vous avez fait un sacré boulot quand même parce que franchement la BO dans son ensemble, elle est rythmée, elle a du suspense, mais pas trop, elle a de beaux thèmes, elle est vraiment vivante.
 

E.R. : Merci beaucoup. C'est aussi parce que ça a été joué aussi. Il y a quand même pas mal d'instruments qui sont vraiment joués aussi, interprétés. Il y a ce côté-là aussi qui ajoute plus de vie, qui fait que ça fourmille de partout. Et c'était ce que ce qu'on voulait. 
Je pense en fait, qu'on a vraiment eu la musique, qu'on voulait faire, c'est ça qui est bien. On a la musique qu’on avait en tête, en tout cas. On est à 90% de ce qu'on voulait, voire 95.
 

A.D’A. : Le réalisateur n’a vraiment pas été compliqué. Je ne dis pas qu’ils le sont toujours, mais en tout cas ça a été vraiment très fluide et très constructif, très limpide. Donc c'était un vrai, vrai plaisir.
 

LMDF : Est-ce qu'il y a un morceau comme par exemple sur Ils étaient 10 qui a été plus dur à faire que d'autres ?
 

E.R. : Moi je dirais le générique. Parce que c'est le morceau le plus dur à rendre satisfaisant, dans son entièreté. Que ce soit l'orchestre, le mixage, ou encore le mastering.

A.D’A. : On y est revenu un petit peu après. Bon, on avait déjà la V.1 qu'on a fait en peu de temps mais ça ressemble beaucoup à la définitive. Mais c'est vrai qu'on a passé du temps à se dire les cordes, il faut qu'elles jouent ça, plutôt comme ça. On a fait des petits tests. On a enregistré des petits synthés, mais pour ne pas qu'ils s'entendent trop, et ça s'est aussi pas mal joué au mixage parce qu'on avait envie que ça garde un aspect tenu et construit, il ne fallait pas que ça parte dans tous les sens. Avec le Ballast, ce sont les 2 morceaux qui ont pris le plus de temps afin de trouver ce juste équilibre.
 

E.R. :  Même le morceau En cuisine! a eu un petit délai. C'était pour d'autres raisons en fait.
 

A.D’A. : On a eu un peu de mal à lui donner du son, sa cohérence, à la finale, avec tout le reste. On a même pour la petite anecdote, fait le montage de la BO et au dernier moment, on n'avait pas prévu de le mettre.
 

LMDF : Ah oui ?

A.D’A. : Voilà comme ça, c’est une petite anecdote. A 2 jours de B.O.  on s'est dit bon, allez on le met d'un côté. Ah je rajoute un petit côté rythmique qu'on n'a pas et qui peut être intéressant, parce que c'est vrai qu'il y a 2 ou 3 trucs dans les arrangements, si on avait plus de temps on n'aurait pas fini.
 

LMDF : Mais en tant qu'auditeur moi, j'adore franchement.
 

A.D’A. : En fait c'est presque ce qu'on s'est dit. On s'est dit que pour quelqu'un qui va écouter la BO entière, il apporte peut-être quelque chose pour dynamiser un petit peu l'écoute. C'est aussi pour ça qu'on l’a mis.
 

LMDF : Est-ce que vous auriez envie de rajouter quelque chose sur cette BO  ?
 

A.D’A. : Oui, on a fait un remix de Vivaldi qui est dans la série. On n'a pas pu le mettre dans la BO pour des raisons de droits. Si on avait pu, on l’aurait rajouté. Là c'est sympa car ce remix, on avait les droits pour le remixer, mais sans toucher aucun droit d'auteur et ni s'en servir. Donc on l’a fait, il est dans la série, il marche bien dedans.
 

E.R. : Je suis d'accord, en plus c’est sûrement le morceau qui aurait le mieux marché. C'est plus électronique, plus pop, plus direct.

A.D’A. : Oui, c'est Vivaldi, on partait des 4 saisons de Vivaldi. C'est plus facile de partir avec le matériel de Vivaldi que de nos morceaux 😊
 

LMDF : Il y a aussi donc la série et les amateurs qui passent sur Disney plus. L'album sortira en Février donc. Il y a déjà des titres disponibles sur le site de Troisième auteur.
 

A.D’A. : Pas beaucoup, ils ne sont pas nombreux, mais il y a le thème principal, et des thèmes quand même. Il y a quelques thèmes.
 

LMDF : Oui, le love thème et le thème instrumental aussi. 
 

E.R. : Là, c'est un autre style encore, c'est vraiment purement une comédie d'action.
 

A.D’A. : Oui, comédie d'action, c'était un peu plus un challenge, sur notre territoire, pour nous, ça a été un peu plus un peu plus douloureux mais voilà. C'est ça, c'est fait. On a essayé de faire un thème un peu Morriconnien. C'était clairement l'idée, après je reconnais qu’il y a 2 ou 3 trucs où on est à 2 doigts du pastiche... Après n'est pas Morricone qui veut, mais on a essayé du coup de faire un Morricone un peu moderne.

E.R. : Un gros thème de comédie, quoi. Oui, on est moderne quand même un petit peu dedans, on essaye d’y mettre notre personnalité.
 

A.D’A. : Le thème, décliné plusieurs fois et encore dans la BO, on s'est restreint, il y a plein de morceaux qu'on a enlevé parce que sinon il y en avait 100. C'était une série très très très volumineuse en termes de travail. On peut le dire comme ça. Il y avait quasiment 250 Min de musique pour 300 Min de programme. Donc, le thème était décliné dans tous les sens et un peu la même formule qui est un thème qu'on essaie d'arranger, d'une manière un peu hybride, moderne, avec des instruments qu'on enregistre nous-mêmes, à savoir des guitares, des choses comme ça, l'orchestre et des synthés, des trucs un peu plus actuels.

E.R. : Et un bon siffleur.

C'est ça ce type de série
 

A.D’A. : En tout cas, nous, c'était la vision qu'on s'en était donnée.
 

E.R. : Mais dans tout ça, on a quand même réussi à créer des morceaux qui nous ressemblent, qui sont dedans, même s’ils ne sont pas mis devant. De toute façon, ce n'est pas forcément une série où la musique est forcément mise en avant.
 Et ce n'est pas une série ou la musique est extrêmement présente et vivante comme elle peut l'être dans Cuisine Interne. Je parle même en termes de mixage. Il y a plus de  sound design aussi, et c’est une série qui est plus gourmande, en termes de sound design et même de rythme. On est sur une série de pur divertissement. 

A.D’A. : Grosse comédie d'action familiale. C'est différent.

E.R. : C'était un autre challenge. Très différent sur un autre exercice. On a dû faire des styles de musique beaucoup plus variés. Et c’est là où ça a été encore plus compliqué de garder une cohérence parce que justement, c'était donc de naviguer entre énormément de styles. Parce que c'est une série dans laquelle il se passe plein de choses, dans plusieurs endroits, dans d'autres pays, il y a des enjeux qui sont abracadabrants. Du coup, la musique doit l'être aussi, mais quelquefois, ça doit s'adapter forcément à des situations, donc c'est-à-dire qu’il y a des morceaux qui sont très électroniques, avec des gros kicks avec beaucoup de machines, beaucoup de choses assez nerveuses. Et puis après il y a des morceaux presque de country, puis d'espionnage. C'est un petit peu un tour à 360° sur les styles de musique mais avec quand même un thème, des thèmes qui sont toujours la ligne directrice

A.D’A. : Pour la petite histoire dans la série, il y a de la trap, donc du hip-hop moderne, de la dubstep, de l'électronique, de l'orchestre et des musiques un peu country, et des musiques un petit peu “Morriconesques”, voilà donc il y en a pour tout le monde.
 

LMDF : Une BO riche donc. :)
 

A.D’A. : Oui mais on a un peu restreint, on a essayé de raconter une histoire un peu plus resserrée parce que ce n'était pas gérable, sinon on aurait dû sortir une BO 3CDs.  Voilà une manière aussi de resserrer un petit peu. Mais il y a quelques extraits dedans, y a quelques résidus de tous ces styles.
 

LMDF : Et donc ça, c'est ce qui va arriver très bientôt, et au niveau des projets donc de nouvelles séries ou de nouveaux films. À venir ou déjà commencé ?
 

A.D’A. : En ce début 2023, on va être sur une nouvelle série que nous dévoilerons le moment venu :)
 

* Interview  fait le 12 Décembre 2022.

Publié dans 2023, Interview

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article