Interview : Mathieu Alvado

Publié le par Patrick

Mathieu Alvado, lauréat du prix UCMF pour la B.O. du court métrage A song for the whales de Lorenzo Fresta,  fut le premier compositeur à encadrer de  jeunes compositeurs lors de la résidence de musique à l’image qui s'est déroulée du 3 au 9 Septembre durant le festival Des notes et des Toiles. Mathieu a pris le temps de répondre à quelques questions sur cette très bonne initiative et sur son actualité en tant que brillant compositeur et orchestrateur. Un grand merci à lui !

Interview : Mathieu Alvado

La musique de Film : Pouvez-vous nous parler de la résidence de musique à l'image à laquelle vous venez de participer pour le festival « Des notes et des toiles » ?

Mathieu Alvado : J'ai été contacté par Anthony Velvelovich et Camille Monin, organisateurs du festival, qui souhaitaient que j’encadre de jeunes compositeurs pour cette première résidence de musique à l’image ; je n’avais pas réalisé que j’étais devenu un « vieux » compositeur (rires). Je souhaitais que les compositeurs soient mis dans des conditions proches de celles qu’ils seraient amenées à rencontrer dans le monde réel, j’ai donc demandé à Anthony et Camille que le film sur lequel nous allions travailler ne soit ni un film muet ni une scène d’un long métrage connu, mais un court métrage récent ou en cours de production. J’ai également demandé à ce que le compositeur du court métrage soit d’accord pour que nous remplacions sa musique et surtout que nous puissions avoir des échanges avec le réalisateur tout au long de la semaine de résidence afin de faire prendre conscience aux résidents que le réalisateur est la personne la plus importante dans le processus de composition, c’est lui qui valide, ou pas, la musique.

Comme c'était la première résidence, qu'il n'y avait rien d'établi et que Camille est elle-même réalisatrice, je pense qu'elle a tout à fait compris cette démarche et elle m’a proposé de travailler sur « Eden » un court métrage de Julie Caty qui avait fait son film sur une musique préexistante du groupe de rock Portron Lopez. Elle a très gentiment joué le jeu en nous faisant des retours sur les propositions musicales que nous lui envoyions. Ce qui a été particulièrement intéressant, au vu de ce  qu'elle avait choisi comme musique pour ce film, c’est qu'elle nous a dirigé vers une esthétique musicale du début du XXème siècle, très Ravelienne. Une fois la composition achevée, les étudiants ont préparé les partitions puis répété pour délivrer une très belle performance en synchronisation à l’image lors de la cérémonie de clôture du festival.

LMDF : Le festival « Des notes et des toiles » donne la part belle aux rencontres, aux concerts, est ce que vous pensez que ça met en lumière le métier de compositeur ?

M.A : Le festival étant centré sur la musique de film, il met en valeur les compositeurs, particulièrement au travers des concerts du Claude Bolling Big Band avec Guy Marchand et celui de Jean-Michel Bernard avec Nicole Croisille ainsi que par les prix pour les meilleures musiques de court métrage et de long métrage. En ce qui concerne spécifiquement le travail de compositeur, je pense que c'était le but de la résidence, de permettre à de jeunes compositeurs de s'y confronter et le faire découvrir au public au travers du concert final.

LMDF : Du coup c'est un rendez-vous que l'on retrouvera tous les ans sur ce festival ?

M.A: J’espère qu’Anthony et Camille renouvelleront cette expérience, c’était passionnant. Lorsque j’étais étudiant, il y avait très peu de formations pour la musique à l’image, il faut donc se réjouir de l’existence de résidences comme celles-ci, surtout que nous avons eu à notre disposition l’équipement et les locaux de la Music Academy International de Nancy qui était partenaire du festival.

LMDF : Vous avez reçu 3 Jerry Goldsmith Awards, un prix UCMF (Pour la musique du court métrage A song for the whales de Lorenzo Fresta), et cette année vous êtes à nouveau nominé avec L'Hypothèse de la reine rouge de Florian Thomas, vous pouvez nous en parler?

M.A : C'est un court métrage de près de 20 minutes qui se déroule dans les années 20 et qui décrit la rencontre entre Sherlock Holmes et Arsène Lupin. Florian souhaitait une musique symphonique très énergique, il parlait beaucoup du score d’Indiana Jones et la dernière croisade qu’il avait placé à divers endroits du film. L’ambiance du film mais surtout la très belle photo d’Alexandre d’Audiffret m’a incité à composer une musique plus « moderne », un peu plus proche de Thomas Newman tout en conservant l’énergie des musiques qu’il aimait. J’ai commencé par composer un thème pour Lupin à partir du scénario avant le tournage et Florian s’en est servi en le faisant écouter à l’équipe pour leur donner le ton du film et, comme souvent, il n’a trouvé sa place nulle part dans le film une fois le montage achevé (rires). Nous l’avons donc placé sur le générique de fin mais il a irrigué toute la partition, il est suggéré ou transformé dans chaque séquence. J’ai à nouveau eu la chance de pouvoir enregistrer cette musique avec le London Symphony Orchestra à Abbey Road, ce qui a été un grand moment pour toute l’équipe et pour moi.

LMDF : J'ai écouté cette belle BO, avec les influences de Williams (...).

M.A : Merci ! Williams a toujours été une référence importante pour moi.

LMDF : Vous êtes compositeur mais aussi orchestrateur pour d’autres compositeurs, comment s'articule la collaboration avec eux ?

M.A : Ma première expérience en tant qu’orchestrateur a été pour Christophe Héral sur Kerity, la maison des contes (2009) et s’est poursuivie sur plusieurs jeux vidéos (Les aventures de Tintin : le secret de la licorne, Rayman Origins et Rayman Legends). Christophe a mille idées musicales par minute avec lesquelles il joue avant de me demander d’intervenir. Quand j’orchestre pour lui, j’ai souvent l’impression d’être l’adulte qui range ses jouets. Christophe est un grand enfant de 57 ans ! Après avoir travaillé pour Christophe, j’ai composé la musique de «L’Attaque du monstre géant suceur de cerveaux de l’espace » (2010) de Guillaume Rieu. C’était un mélange de chansons à la Michel Legrand et de musique de films de monstres des années 50. C’est une partition foisonnante et elle a attiré l’attention de quelques compositeurs qui m’ont demandé de m’occuper de leurs orchestrations parce que les délais sont souvent trop courts pour qu’ils puissent s’en occuper eux-même. C’est comme ça que j’ai commencé à orchestrer les musiques de Guillaume Roussel (Les Seigneurs, 20 ans d’écart, La French…) et d’Erwann Kermorvant (L’enquête, Carbone…). Pierre Adenot, quant à lui, est un mentor pour moi ; il a eu la gentillesse de m’encourager et de me conseiller depuis plus de 15 ans. Lorsqu’il a été engagé sur La Belle et la Bête, il m’a proposé d’orchestrer sa musique. Pour ces trois compositeurs, mon travail est purement technique, je réalise une partition à partir de leurs maquettes qui contiennent déjà tous les choix d’orchestration. Le terme d’orchestrateur est donc impropre et Guillaume Roussel m’a déjà crédité en tant que « superviseur de l’orchestration » ce qui est un terme très juste : une fois la partition réalisée, je leur fais part de mes conseils sur telle doublure, telle harmonisation. La plupart du temps, ils me disent « oui c’est vrai, tu as raison, mais on va quand même garder ce qui est écrit » et ils ont raison (rires) !

LMDF : Quels sont vos projets ?

M.A : Je compose actuellement les musiques de 3 courts métrages et d’un jeu vidéo que je vais à nouveau enregistrer avec le LSO dans quelques semaines.

Publié dans Interview, 2018

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